Spécificités & Complexités de l’entreprise familiale, à prendre en compte par le DG externe
Spécificités & Complexités de l’entreprise familiale, à prendre en compte par le DG externe
Trois parties prenantes interdépendantes
Commençons par un peu de concept pour fixer le cadre.
Fondamentalement, les entreprises familiales se distinguent par la présence d’une troisième partie prenante qui est la famille, aux côtés de l’actionnariat et de l’entreprise, les deux parties consubstantielles à toute entreprise.
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La présence de la sphère familiale ajoute ainsi un troisième ‘moteur’ aux deux autres, ce qui renforce le degré de complexité. Cette complexité est renforcée par le caractère ‘non rationnel’ du moteur familial, guidé notamment par les émotions, le partage, l’entraide au sein de la famille, les valeurs familiales. La rationalité économique peut donc s’opposer aux émotions familiales, tout comme la bienveillance envers les salariés et la nécessaire rentabilité peuvent créer des injonctions contradictoires.
La non rationalité de la sphère ‘famille’, tout comme la singularité d’un actionnariat familial (attentes, critères de décision, comportements, ..) peuvent en effet s’avérer complexe à percevoir pour un DG externe, particulièrement durant les premiers mois. Elles devront pourtant l’être au plus vite, afin que le dirigeant puisse pleinement les intégrer dans ses décisions et actions, les gérer (impact sur les salariés) et anticiper au mieux les positions, sensibilités et réactions des actionnaires et membres familiaux.
Trois systèmes de gouvernance et trois pouvoirs distincts mais complémentaires
Bien comprendre la nature des trois systèmes de gouvernance – actionnarial, opérationnel et de contrôle- s’impose également comme une nécessité pour le DG, au même titre que la compréhension et la gestion des trois pouvoirs – souverain, exécutif et de contrôle-, à l’œuvre dans toute firme familiale.
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- Pouvoir souverain : celui des actionnaires qui assument la continuité de l’entreprise en validant, en dernier ressort, son orientation et en légitimant ceux qui décident (dirigeants et administrateurs)
- Pouvoir exécutif : celui des dirigeants qui élaborent, conduisent, assument et délivrent la stratégie (mais ne la décident pas)
- Pouvoir de surveillance : celui des administrateurs qui décident la stratégie et en contrôlent l’atteinte des résultats et rendent régulièrement compte aux actionnaires, tout en veillant de façon continue à ce que les conditions soient réunies pour que le pouvoir exécutif (des dirigeants) puisse s’exercer sans dysfonctionnements.
- Il est également à noter que la famille n’a pas aucun pouvoir légal; ce sont les actionnaires familiaux en tant que détenteurs des titres et non en tant que membre familial qui en détienne un.
Pérennité et temps long
Contrairement aux sociétés à actionnariat diffus, contraintes de délivrer une rentabilité de court terme, la famille actionnaire peut s’inscrire (et s’inscrit généralement) dans le temps long, cherchant avant tout à pérenniser l’entreprise à travers la transmission intergénérationnelle de leur actif industriel. C’est une autre spécificité à bien intégrer par le DG externe dont l’horizon temps est nécessairement plus court, même s’il s’inscrit dans la durée.
Or, pouvoir transmettre un patrimoine professionnel qui mérite de l’être sous-entend aussi d’assurer la pérennité financière, donc exige de la continuité de l’activité de l’entreprise, de ses savoir-faire, de ses relations et plus globalement de tous actifs qui génèrent la valeur. C’est de la responsabilité du DG que d’assurer cette pérennité financière.
Cette quasi obsession de pérennité intergénérationnelle se traduit souvent, d’une part par la volonté de garder le contrôle du capital assurant ainsi l’indépendance des actionnaires familiaux et, d’autre part, par le souci de la réputation de l’entreprise, de ses actionnaires, de la famille. Ces deux aspects sont loin d’être neutres dans la gestion au quotidien de l’entreprise par un DG externe qui devra ‘faire avec’ les éventuelles contraintes voire limitations qu’elles génèrent, par exemple en termes de développement / vitesse de développement et de communication externe.
Une relation singulière entre les salariés et la famille actionnaire
Et, pour finir, notons que la finalité de pérenniser influence aussi très fortement la relation des salariés avec leur entreprise.
Dans une entreprise familiale, des contrats implicites s’établissent entre les salariés et les parties prenantes de l’entreprise, notamment avec la famille propriétaire avec laquelle un contrat moral très fort peut se mettre en place, avec en retour de leur engagement et de leur fidélité, l’attente d’une certaine protection et reconnaissance, renforçant ainsi leur motivation et leur productivité des salariés.
C’est une autre singularité à ne surtout pas négliger car elle peut aller jusqu’à l’alerte de la famille par les salariés si le DG prenait des décisions considérées par le corps social comme allant à l’encontre du contrat social, ou plus largement contre l’intérêt long terme de l’entreprise et sa pérennité. Dit de manière très directe, le corps social ne laissera pas le DG ‘faire n’importe quoi’.
C’est une puissante corde de rappel, au service des actionnaires familiaux. Un homme averti en vaut deux …