Patron de pays dans un groupe multinational, une fonction à part

Votre performance de dirigeant opérationnel est remarquée et vous êtes promu Président ou Managing Director France au sein de la firme multinationale qui vous emploie.

Prenez alors le temps de bien appréhender ce rôle si différent de toute autre responsabilité, pour ne pas empiéter sur le territoire d’autres fonctions ou engager un projet local non aligné avec la stratégie du Groupe.

 

Le Patron France est attendu sur la valeur ajoutée additionnelle qu’il génère

Le rôle de Président ou de Managing Director France, qui est une fonction de patron de pays,  dépend bien sûr de l’organisation du Groupe, du degré de décentralisation et de la nature de l’activité -mondiale ou locale-, mais quelques invariants demeurent.

Parmi eux, il y a la valeur ajoutée attendue par la firme vis-à-vis de la fonction, une valeur ajoutée spécifique et additionnelle à celle générée par les Directions ‘business’ Groupe, stratégiques ou opérationnelles (Divisions mondiales, Strategic Business Unit, Direction des opérations monde pour ne citer que celles-ci). Additionnelle plutôt que substitutive, la valeur ajoutée attendue est celle que seul un patron de pays est en capacité de créer par son double ancrage local, interne et externe.

Le levier externe, c’est en particulier la gestion, dans l’intérêt du groupe, de la relation avec les parties prenantes externes nationales ayant un impact sur le Groupe à court ou moyen terme. Citons par exemple les actions de lobbying auprès des institutions nationales pour drainer fonds et subventions dans le cadre de partenariats ou celles destinées à défendre les intérêts métier du Groupe en matière réglementaire. Dans le même esprit, l’utilisation du réseau professionnel du dirigeant et sa réputation sont autant de leviers favorisant un accès aux donneurs d’ordre nationaux qui soit de qualité pour d’autres fonctions et directions de la firme.

Le levier interne s’exerce quant à lui auprès des équipes basées localement, et agit sur l’organisation interne pour maximiser l’utilisation des ressources (synergies) et l’engagement du corps social, pour une exécution opérationnelle conforme aux objectifs et un déploiement local sans encombre des stratégies, politiques et transformations décidées par le Groupe. S’y ajoute la responsabilité légale relative aux obligations qui incombent à toute entité juridique implantée nationalement.

Le Patron France n’est pas un patron opérationnel comme les autres ; le principal écueil est d’empiéter sur la responsabilité d’autres directions et de passer à côté de la sienne

Pour un dirigeant passant d’une responsabilité opérationnelle (patron de BU ou de division) à une direction France, la tentation est grande de continuer d’agir sur tous les leviers opérationnels qu’il a eu l’habitude d’actionner, et cela de manière inappropriée.

Prenons les actifs industriels. Tout en ayant des usines et l’ensemble des effectifs de production et de support à la production sous sa responsabilité administrative et sociale, le patron France ne décide ni la vocation industrielle des usines françaises, ni les investissements qui y seront faits. C’est du ressort, soit de la direction des Opérations Groupe, qui comme chez L’Oréal, pilote les opérations à l’échelle mondiale et a autorité sur les usines et la supply chain, soit de chaque SBU lorsque les usines dédiées sont placées sous la responsabilité des Strategic Business Units (SBU).

La Direction des opérations ou les SBU définissent la stratégie industrielle, le plan d’investissement, les objectifs de productivité des sites, et il incombe au patron France de mettre en place localement les conditions nécessaires pour une exécution efficace de cette stratégie et l’atteinte des objectifs opérationnels et de productivité attendus. Parmi ces conditions, il y a, entre autres, le climat social, le niveau d’engagement et la qualité de la conduite du changement, autant de facteurs impactant les résultats de l’entité nationale mais également ceux des divisions ou SBU.

Pour l’offre et le ‘go to market’, le sujet est le même lorsque l’activité ou le segment de marché est mondial, comme pour les eaux minérales de Danone ou le segment Luxe chez L’Oréal. Les divisions ont la mainmise sur la stratégie business décidée en central, du développement produit à l’offre en passant par le marketing et la politique commerciale, alors que le Patron de pays assume la responsabilité de l’implémenter et de la décliner localement. Tout en ayant des équipes marketing et commerciales dans ses effectifs, ce patron de pays n’est en réalité, pour une partie d’entre elles, que leur patron administratif, s’agissant de ressources centrales déconcentrées, localisées partout dans le monde et pilotées par les directions Groupe. Lorsqu’il y a également des équipes marketing / ventes locales comme chez 3M par exemple, elles reportent au patron de pays et sont en charge de l’exécution opérationnelle de la stratégie business et de son adaptation locale.

En matière de R&D, il en est souvent de même. L’entité France peut héberger un centre de recherche du Groupe pilotée par la fonction Groupe en charge de la R&T et/ou de tout ou partie de la R&D au niveau mondial. Lorsque le centre de R&D est dédié aux activités pilotées mondialement, le patron de pays n’a alors qu’un rôle administratif d’hébergeur. Mais bien qu’une partie de la R&T/D soit centralisée, la R&D dite applicative intervenant en aval pour l’adaptation des produits ou technologies aux spécificités locales est un levier souvent à la main de l’entité pays. Effectivement, plus les marchés sont locaux et les produits géographiquement différenciés, et plus l’autonomie du patron de pays sur le levier R&D est importante, comme c’est le cas pour le marché des matériaux de construction, celui des systèmes d’installations électriques ou des produits ultra frais (yaourt)

Quelle que soit la répartition des rôles entre le Groupe et le local sur chacun des grands leviers, le patron de pays aura l’obligation d’aligner son action locale sur la stratégie mondiale. Son action s’inscrira aussi dans le cadre d’un processus de décision et d’arbitrage Groupe piloté par les fonctions Groupe. Pour la R&D, il y a par exemple la priorisation des projets, l’allocation des ressources, la mutualisation des coûts, les plateformes communes, la feuille de route technologique.

 

Huit rôles et responsabilités pour un Patron de pays
Exemple :  Patron France – BtoB – marchés mondiaux / grands clients

 

 

  1. Employeur français assumant la responsabilité légale et sociale en vigueur en France

Responsabilité légale du dirigeant mandataire social d’une entité juridique en France (administrative, juridique, comptable, fiscale, sociale, HSE,  .. )

  • Interne : responsabilité d’employeur de l’ensemble du personnel sous contrat local ; représentant du Groupe auprès des syndicats
  • Externe : représentant et responsable du Groupe engageant sa responsabilité vis-à-vis des parties prenantes externes (élus locaux et nationaux, médecine du travail, Dirrecte,…) : conformité aux obligations légales (comptables, fiscales, administratives  locales, ..) ; responsabilité pénale

 

  1. Générateur de valeur ajoutée spécifique et additionnelle au profit des Directions business Groupe (Divisions, SBUs, ..)

 Contribution à la maximisation de la rentabilité des SBU (bottom line)

  • Performance opérationnelle en tant que fournisseur interne
  • Optimisation de l’utilisation des ressources locales / Synergies de coûts
  • Contribution au développement du chiffre d’affaires et au renforcement de la position concurrentielle des SBU en France (top line)
  • Promotion des offres et savoirs faire des SBU auprès des donneurs d’ordre nationaux et facilitation de l’introduction des patrons des SBU auprès de ces grands clients ; anticipation et préparation amont des appels d’offres
  • Synergies de revenus par la facilitation des coopérations inter-SBU (cross-selling)

 

  1. Pilote de l’exécution de la stratégie et du déploiement local des politiques, initiatives et transformations du Groupe
  • Exécution des stratégies des SBU
  • Déploiement des politiques, initiatives et transformations décidées par le Groupe
    (Changement des systèmes IT, digitalisation, ..)

 

  1. Support, facilitateur et garant des procédures et processus et de la déclinaison des politiques Groupe
  •  Préparation des plans et budgets avec les SBU
  • Mise à disposition de ressources locales pour les projets et initiatives Groupe
  • Alimentation des reportings
  • Conformité et respect des politiques et procédures Groupe (compliance)

 

  1. Relais et ambassadeur du Groupe en interne auprès des équipes locales
  • Relais des informations et décisions Groupe (faciliter leur acceptation)
  • Développement du sentiment d’appartenance de l’entité France au Groupe
  • Portage et diffusion de la culture du Groupe.

 

  1. Représentant institutionnel et promoteur externe du Groupe au niveau national
  • Parties prenantes externes nationales : représentant institutionnel auprès de l’Etat et de la sphère politique et réglementaire, des partenaires, des grands donneurs d’ordre et fournisseurs stratégiques, de la communauté financière.
  • Promotion du Groupe et de son ambition pour accroitre sa visibilité et sa réputation, drainer des fonds et subventions, ….

 

  1. Leader et animateur de l’équipe de direction

Pilotage du ‘collectif de direction’ (équipe de direction locale) et de son action

 

  1. Responsable hiérarchique ou fonctionnel des N-1 basés localement

Management des hommes, en tant que responsable fonctionnel et/ou administratif

 

Un neuvième rôle peut venir compléter les huit autres : Responsable transversal d’un ou plusieurs leviers ou initiatives sur un périmètre géographique élargi.

Citons comme exemple l’arbitrage des capacités, une responsabilité parfois confiée au patron du pays hébergeant une usine à vocation régionale servant plusieurs pays, ou encore le pilotage d’initiatives stratégiques pour le compte d’une zone géographique étendue (Europe, EMEA).

 

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