De l’importance capitale de gérer les parties prenantes ayant le pouvoir de faire échouer la transformation

De l’importance capitale de gérer les parties prenantes ayant le pouvoir de faire échouer la transformation

 

Plusieurs études menées par Harvard, McKinsey et d’autres montrent que 70 % des transformations engagées ne délivrent pas les résultats escomptés.

L’explication avancée est toujours à peu près la même. Rarement d’ordre ‘technique’, c’est le facteur humain qui est pointé du doigt.  Comprenons par ‘facteur humain’, la difficulté rencontrée par bon nombre d’entreprises à mobiliser les managers et le corps social en résistance face à des changements incompris, mal acceptés pour lesquels les destinataires impactés cherchent à en minimiser les effets supposés négatifs sur leur quotidien.

Ces études aboutissent généralement à la recommandation suivante : pour passer de l’intention à la réalité d’une transformation et sa mise en œuvre effective sur le terrain, embarquer tous les collaborateurs à tous les niveaux et dans toutes les fonctions est en effet un passage obligé. Une exécution réussie suppose que chacun, où qu’il soit dans l’organisation, comprenne le sens de la transformation orchestrée par la Direction Générale, et sa finalité (ce qu’elle est censée apporter ou permettre à l’entreprise). Pour cela, chaque catégorie d’acteurs internes doit être entendue, comprise, impliquée et ‘actrice’ de la transformation, le plus en amont possible.

Tout cela est frappé au coin du bon sens alors que les nouvelles générations exigent davantage de sens. Mais cela ne suffira-t-il pas pour permettre à un dirigeant de sécuriser l’exécution de son plan de transformation et délivrer ses engagements ?

 

Gérer les parties prenantes ayant le pouvoir de faire échouer le projet de transformation

En effet, l’expérience montre que la gestion stratégique et politique de toutes les parties prenantes, internes et externes est un facteur déterminant. Aucun dirigeant ne pourra s’affranchir de porter une attention aigue et constante à cet aspect durant tout le processus, de la conception jusqu’à la mise en œuvre de la transformation, et plus largement tout au long de son mandat.

Selon le rôle et le pouvoir de la partie prenante, le dirigeant aura soit à convaincre de la pertinence de ses choix et/ou obtenir une validation / approbation (hiérarchie, Board, actionnaires, créanciers, partenaires stratégiques, grands clients, marchés financiers, ..), soit à gagner son engagement et sa mobilisation pour relayer, décliner et exécuter l’action opérationnellement (équipe dirigeante, Top X et communauté des managers, syndicats, corps social, .. ).

Arrêtons-nous un instant sur l’équipe de direction qui est sur le chemin critique d’une exécution effective en tant que relais incontournable du dirigeant. Selon le degré d’alignement au sein du comex sur une même intention de transformation et la disposition de chacun à l’exécuter, le dirigeant pourra ou tout simplement ne pourra pas avancer. Combien de fois ai-je été témoin d’instructions données et de messages envoyés par un DGD ou d’un DGA à ses équipes et qui sont diamétralement opposés à la direction portée par le Numéro 1.

Procéder à la cartographie des parties prenantes internes et externes, avec une mise à jour en temps réel, s’avère donc fort utile : leur position vis-à-vis du projet, leurs attentes / demandes, ce qu’elles ont à gagner et/ou à perdre, leur pouvoir effectif, leur etc.. C’est un travail que nous faisons régulièrement avec le dirigeant afin de l’aider à prendre en compte simultanément toutes les parties prenantes.

Car l’expérience montre que, par manque de temps, dans un souci d’efficacité et parce qu’il est avant tout orienté action / décision, le dirigeant concentre ses efforts sur les parties prenantes les plus proches et les plus ‘sensibles’, celles le plus directement dans son spectre. Or, en procédant ainsi, il se prive du soutien des parties prenantes un peu plus éloignées de l’épicentre, qu’il faut pourtant aller chercher pour qu’elles deviennent à leur tour un soutien actif ; il prend aussi le risque que parmi ces parties prenantes plus éloignées et insuffisamment gérées, il y en ait une ou plusieurs qui s’opposeront ou bloqueront pour une raison qu’il était difficile d’anticiper.  Pas évident en effet de cerner précisément une partie prenante avec laquelle le dirigeant n’a pas une relation régulière.

Ne l’oublions jamais, un projet complexe relationnellement et politiquement ne se perd pas à cause des opposants, mais parce qu’il n’a pas suffisamment d’alliés pour exécuter. Toute l’action du dirigeant vise donc à gagner en nombre d’alliés. Pour y parvenir, il faudra faire basculer les parties prenantes ‘neutres’, sans avis définitivement arrêté, dans le camp des alliés, plutôt que de chercher à convaincre les vrais opposants. Ces derniers sont souvent à la fois faibles en nombre et impossibles à rallier. Inutile donc de s’y focaliser, au risque de perdre du temps, de l’énergie et de la crédibilité.

 

Aller au-delà de la stricte définition du contenu technique (le quoi) 

Passons maintenant au fond et signalons un autre aspect essentiel qui consiste à architecturer avec soin l’ensemble des composantes de la transformation au-delà de la stricte définition du plan d’actions (contenu technique).

Plus concrètement, cela signifie de ne pas se contenter de définir les grands enjeux et le plan d’actions ‘techniques’ à exécuter, mais accompagner ce plan d’actions par ce qu’il est nécessaire de sécuriser pour le réussir.  Juste un incontournable qui fera toute la différence en termes de résultat obtenu.

C’est un travail qui devra s’effectuer tout du long, en amont lors de la conception du plan de transformation et pendant l’instruction et l’exécution, autour de diverses questions à clarifier et décisions à prendre,  comme par exemple,

  • L’intensité / profondeur de la transformation, en fonction de ce que l’entreprise est capable d’ ‘encaisser sans casser’, et sans mettre à risque ni les résultats immédiats, ni la pérennité (par exemple par une fuite des talents essentiels, à une époque où la bataille concurrentielle se jouera sur ce terrain).

 

  • La gestion du temps, pour s’assurer de ‘performer pendant qu’on transforme’ – pendant les travaux, la vente continue .., mais également pour avancer à la vitesse qu’exige les évolutions de marché et les mutations d’usage.

 

  • La nature de la transformation voulue: une transformation par les processus ? Une transformation par les outils et systèmes ? Une transformation par les hommes (sang neuf, ajout de compétences nouvelles, …) ? Une transformation par la culture ? Être clair sur ce point a le double avantage de savoir sur quoi agir et faciliter la formalisation des messages de communication.

 

  • Le sens donné à cette transformation – le ‘pour quoi’, le ‘pourquoi’ (le Why) et le ‘pour aller où’ (raison d’être, une question d’actualité avec l’adoption possible pour les entreprises du statut d’«entreprise à mission » prévu par la loi Pacte).

 

  • Le dispositif à mettre en place (la méthode): arbitrer entre ‘faire faire en interne’ versus mandater un cabinet ; organiser la contribution de tous aux travaux et leur exposition renforcée, notamment la première ligne managériale, voire les compagnons en usine ou les commerciaux au contact du client ;  définir comment les propositions seront arbitrées et les décisions prises.

 

  • Le ‘management’ des forces vives, les hommes et les femmes qui feront (ou non) cette transformation – en clair, gérer les fonctions clés et les talents qui sont sur le chemin critique.

 

  • La communication du dirigeant pour créer le sens de l’urgence et/ou donner la mesure de l’opportunité de ce ‘move’ pour l’organisation et les équipes.

 

  • La gouvernance et le management du dirigeant, pour s’assurer de relais managériaux efficaces, indispensables pour démultiplier son action