A la tête de PELLENC ST, Jean HENIN nous livre sa vision des enjeux d’une PME industrielle opérant en France et à l’international.

A la tête de PELLENC SELECTIVE TECHNOLOGIES, Jean HENIN nous livre sa vision des enjeux d’une PME industrielle opérant sur le marché du tri sélectif ménager et industriel en France et à l’international.

 

 

Qui est PELLENC ST ?

Pellenc ST est une entreprise familiale à son origine qui conçoit, produit et commercialise des machines de tri  intelligente pour les déchets ménagers et industriels. Ce sont des équipements de haute technologie qui séparent les déchets en fonction de leur matière et/ou de leur couleur. Ces technologies sont indispensables à l’émergence de l’économie circulaire. Le chiffre d’affaires 2017 s’élève à 30 M€ dont 70 % hors de France (prévisions 2018 : 39 M€), pour un effectif de 160 personnes dont 40 hors de France. Son produit phare est la machine de tri optique des déchets recyclage.

Pellenc ST est doté d’un site de recherche et de production unique situé à Pertuis (France). La société a deux filiales, l’une en Amérique du Nord en Caroline du Sud et l’autre à Tokyo au Japon, et en plus des US et du Japon, est également présente commercialement et avec des techniciens du service client dans les pays suivants : Espagne, Portugal, France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Irlande, Benelux, Pologne, Turquie, , Corée du Sud.

 

Que diriez-vous de l’environnement concurrentiel de PELLENC ST ?

Nous sommes N°2 sur le marché au niveau mondial, et le numéro 1 est un groupe norvégien de 500M€ présent sur notre marché suite à l’acquisition d’une société allemande. La branche en question fait 100 M€. En tant que leader, il est capable de mener le marché en matière de réglementation et de prix. Il bénéficie aussi de l’image des sociétés allemandes, or dans les machines, ça compte. Et derrière nous, il y a quelques autres concurrents allemands et américains. Aujourd’hui le marché est restreint en taille ; c’est la raison pour laquelle il y a relativement peu d’acteurs, mais il est assez compétitif.

 

Quels sont les atouts de PELLENC ST sur son marché ?

 

Le premier atout, c’est d’être un acteur technologique et d’innovation sur dans des domaines pointus de détection et de séparation des matériaux.

Le second, c’est notre compréhension intimes des tenants et aboutissants du marché et des filières de tri et de recyclage, ce qui nous met en capacité d’apporter des solutions applicatives qui répondent véritablement aux besoins des clients.

Le troisième, c’est la capacité d’industrialisation et c’est notre outil industriel tant au plan de la qualité, qu’en matière de maîtrise des différents savoir faires industriels. Nous assemblons des systèmes complets et complexes intégrant à la fois de l’algorithmie, de l’optique, de l’électronique, et de la mécatronique. Nos technologies sont brevetées.

Quels sont les  risques de marché qui vous tiennent en alerte ?

C’est d’abord la substitution de notre technologie par des technologies de traitement de données,  d’intelligence artificielle et nous nous sommes maintenant positionnés. Un autre risque est l’évolution possible de l’exécutoire des matières Il y a aussi le risque réglementaire et la menace d’une évolution profonde de l’économie du marché du tri – l’économie des déchets n’est pas mature à ce stade, et demeure fragile car massivement subventionnée. Le jour où on entrera dans une économie plus libérale et moins subventionnée, le marché pourrait avoir du mal à se développer. Pour faire du tri, il faut des moyens importants. Ou alors, situation inverse, si la réglementation était amenée à se durcir, un marché très limité en taille deviendrait du jour au lendemain très prometteur, avec l’arrivée évidente de nouveaux entrants pouvant avoir une puissance technologique et financière que nous n’avons pas. Ils viendraient bouleverser le jeu concurrentiel et impacterait défavorablement les prix. Une PME comme la nôtre résisterait difficilement

 

Quels sont les axes de développement de PELLENC ST ?

Il y a une tendance positive du marché du fait de la vague sociétale – l’économie circulaire est un sujet essentiel pour les marques et les gouvernements, contraints par les objectifs de l’EU qui sont ambitieux, Cela engendre une vague de modernisation de centres de tri actuels. C’est le cas en Europe, mais aussi Japon. On devrait donc bénéficier de cette croissance naturelle du marché.

 

Y a-t-il des opportunités de marché sur lesquelles PELLENC ST pourrait se positionner ?

Nous avons chez Pellenc ST des plans technologiques pour aller sur de nouveaux marchés et de nouvelles filières sur des marchés existants ou non – par exemple l’automobile pour les plastiques techniques et les métaux non ferreux – ce sont des poches de croissance qu’on n’a pas encore investies pour l’instant au plan commercial, mais pour lesquels on va être prêt dès l’année prochaine.

 

Où en êtes vous de l’introduction des technologies chez PELLENC ST ?

Nous travaillons de plus en plus sur la performance des centres de tri en nous appuyant sur l’IOT et l’intelligence artificielle. Grâce à notre très bonne connaissance des usages et des problèmes des clients, nous savons ce dont l’opérateur a besoin sur la chaîne de tri. Et par l’apport des briques de technologie, nous l’aidons à mieux travailler et savoir à l’avance ce qui va se passer sur sa chaine de tri. Concrètement, nous avons, par exemple comme projet d’équiper les convoyeurs d’un petit boitier de machine learning, qui via les données collectées, cartographie et analyse les vibrations et détecte les anomalies pour prévenir l’exploitant avant que le système soit défaillant. Nous savons aujourd’hui, par la récupération et le traitement intelligent de données, faire du préventif et du prédictif.

En résumé, c’est appliquer les nouvelles technologies aux métiers de nos clients qu’on connait très bien. Cela permet de mieux valoriser notre présence terrain et le savoir-faire de nos collaborateurs.

 

Quels bénéfices en tire PELLENC ST ?

Notre offre de service s’enrichit donc et ne se limite plus simplement à répondre à un problème. Et en termes de modèle économique, l’avantage pour nous, outre la génération d’un chiffre d’affaires additionnel, c’est de le rendre le modèle plus récurrent. Aujourd’hui en mode ‘projet’, nous avons 3 à 6 mois de chiffres d’affaires devant nous, ce qui est peu si quelque chose tourne mal ; on a vite fait de brûler tout le cash. Un modèle plus résilient donc. Nous plaçons la performance de nos clients au cœur de notre système de revenu ce qui nous permets de « tendre la chaine » entre nous et eux.

 

Développez-vous les technologies en interne ?

Nous les intégrons principalement. Ce que nous cherchons à trouver, ce sont des technologies que nous pensons pouvoir combiner dans un système ou une machine de tri pour créer de nouveaux usages. C’est donc marier la technologie avec les besoins de l’activité concernée – ce n’est pas la technologie pour la technologie. Or, en la matière, c’est le savoir-faire métier qui prime sur la technologie et non l’inverse. Sans ce savoir-faire métier et la très bonne connaissance des usages des clients, pas d’applications pertinentes des nouvelles technologiques.

 

Les acteurs de la tech et du numérique ne sont-ils pas une menace pour vous ?

Un acteur technologique qui ferait irruption sur notre marché sans le connaître aurait plus de difficulté que nous à utiliser intelligemment les technologies. On a un parc de 1400 machines et 350 clients – on les connait tous et on connait à fond leur parc machine, mieux qu’eux-mêmes parfois ..  on en est arrivé là pour de mauvaises raisons – des problèmes de qualité récurrents pendant des années, – on avait des difficultés à intégrer les technologies dans les machines. A mon arrivée il y a 5 ans, on a commencé à attaquer le problème à la racine  – on a donc dû se rapprocher des opérateurs pour régler les problèmes de qualité qu’on générait chez eux – cela a développé une proximité et c’est sur cette proximité établie avec les opérateurs pour résoudre leur problème qualité que nous nous sommes appuyés pour entrer dans une approche plus offensive et positive. Plutôt que de réparer, réparer, leur apporter des sources de performance. Une étape plus valorisante – on utilise cette proximité clients pour créer avec eux de la valeur dans leur métier opérationnel au quotidien.

 

Pourriez-vous nous parler de votre outil industriel ?

On transforme des technologies en produit, ce qui fait appel à de l’industrialisation agile. En termes de production, c’est essentiellement du montage de petites séries – 150 machines / an. On est loin des exigences des industriels faisant de la grande série. Nous travaillons depuis plusieurs années sur l’amélioration de la performance, par le lean manufacturing, mais pour nous, le vrai levier de performance, c’est la conception.

 

Votre production est-elle robotisée ?

Non, la robotisation n’apporterait rien. Nous avons peu de main d’œuvre en production – une quinzaine de personnes – et c’est indispensable pour avoir ce lien étroit et permanent entre production et conception – il y a d’ailleurs une forte implication des opérateurs dans le design –  car c’est comme cela que les sources de productivité et d’amélioration qualité sont identifiées. On fait du co-developpement / co-design.

 

Avez-vous des difficultés de recrutement ?

Oui, c’est clairement un frein au développement de l’entreprise. On a des difficultés pour recruter sur certains domaines d’expertise où la concurrence est forte –l’algorithmique, les mathématiques sont beaucoup demandées par d’autres industries. Il y a aussi le problème de la pénurie en France de compétences de développement et d’industrialisation de machines complexes – il y a très peu de candidats formés à ces savoirs.  En Allemagne, il y en a d’avantage. On le voit quand on est dans les salons en Allemagne.  Le savoir-faire essentiel de notre métier, ce n’est pas que un savoir-faire de compétences dans chacun des domaines – algorithmiques, optiques, électromécaniques, – c’est le savoir-faire d’intégration de l’ensemble des techniques et technologiques ensemble dans une machine, un équipement.

 

Avez-vous fait dû renforcer et faire évoluer certaines compétences en interne ?

Faire grandir le middle management et certains experts de technologies algorithmiques et optiques, c’est une nécessité pour donner plus de force de frappe à l’entreprise en termes de développement produit notamment. C’est un vrai challenge, et également un frein au développement. L’entreprise grandit ; il faut donc intégrer davantage de responsabilités managériales. Il y a également la complexité croissante des technologies à laquelle il faut faire face, et le besoin permanent de transformer. Il faut donc développer chez ces encadrants une certaine hauteur de vue ce qui n’est pas donné à tout le monde, également susciter leur intérêt et curiosité technologique, et bien sûr les faire jouer leur rôle dans le portage du changement, des évolutions. C’est passionnant et un vrai défi !

 

Que diriez-vous de l’ouverture de PELLENC ST sur l’extérieur ?

Nous avons des partenariats avec des universités et des laboratoires de recherche– les Mines d’Alès entre autres– pour travailler sur les matériaux, mieux les comprendre et apprendre à mieux les reconnaitre en termes de détection. Egalement avec des partenariats technologiques sur les capteurs avec le CEA et d’autres organismes français, et avec des centres d’apprentissage ; cela facilite le recrutement

Nous travaillons également avec les Eco-organismes dans chaque pays – en France CITEO (Ex Eco Emballages) –  ce sont eux qui font la réglementation – il est donc important de comprendre ce dont ils ont besoin et leur faire connaitre ce dont on est capable – on fait bon nombre  d’essais avec eux sur les matériaux qui arrivent sur le marché. Et l’Ademe avec qui nous interagissons très régulièrement.