Actionnaire familial et manager externe, un tandem créateur de valeur, sous conditions

Le tandem actionnaire familial / dirigeant externe, un équilibre fondé sur la confiance réciproque

 

Résumé

Une gouvernance dissociant actionnariat et management, peu usuelle en France, est un modèle vertueux, susceptible d’offrir aux groupes familiaux une large palette d’options lors de passages de caps stratégiques ou managériaux.

Son intérêt réside, entre autres, dans la présence simultanée d’un pouvoir opérationnel délégué et d’un contre-pouvoir exercé par les actionnaires, contre-pouvoir qui passe par le maintien intact du contrôle des décisions stratégiques par les actionnaires familiaux.

C’est également un modèle pour lequel la pièce maîtresse est souvent le représentant unique des actionnaires, communément appelé Actionnaire Familial de Référence (AFR) qui opère en tandem avec le dirigeant opérationnel externe ; un tandem caractérisé par un équilibre de pouvoir aussi subtil qu’unique et dont le bon fonctionnement conditionne la performance effective du modèle.

 

************

 

L’implication dans les affaires, un enjeu pour la famille actionnaire lorsque actionnariat et management sont dissociés

La performance des entreprises familiales fait rêver tout comme leur résilience en temps de crise. C’est la présence d’un actionnaire à la fois engagé et pérenne qui est le plus souvent mentionné comme principal facteur de performance. Dans une firme familiale, la famille actionnaire a effectivement une influence significative sur la stratégie de l’entreprise souvent caractérisée par une croissance et une rentabilité plus maîtrisées, plus régulières et renforcées. Un actionnaire familial, stable par nature, inscrit aussi l’entreprise dans le temps long et la continuité, et la met à l’abri d’une stratégie d’investissement et de développement volatile, en cherchant avant tout la préservation de l’indépendance.

Mais, un actionnaire engagé et pérenne ne signifie pas nécessairement un actionnariat aux commandes. Il existe en effet deux modèles de gouvernance, le cumul des pouvoirs et la dissociation  actionnariat / management qui fonctionne de manière assez différente.

En France, le modèle de dissociation des pouvoirs est aussi récent que peu fréquent. Nommer un dirigeant externe est souvent un choix par défaut pour les familles actionnaires, ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne où la moitié des ETI du Mittelstand sont dirigées opérationnellement par un manager externe, tout en étant détenues par des familles impliquées dans les affaires.

Impliqué dans les affaires, c’est bien de cela dont il s’agit. Lorsque le choix est fait de confier la direction générale à un manager externe, la délégation de ce pouvoir opérationnel doit impérativement s’accompagner du maintien du contrôle des décisions stratégiques par les actionnaires familiaux, la nomination et la révocation du dirigeant faisant partie de ces décisions dites stratégiques. L’implication de la famille actionnaire dans les affaires permet ainsi de se prémunir d’une prise de pouvoir absolue par un manager, situation engendrée par l’absence de contre-pouvoir.

L’histoire des entreprises apporte un éclairage intéressant. Cette absence de contrepoids fut en effet une situation qu’ont vécu de nombreuses sociétés créées au XIXe siècle et longtemps dirigées par leur fondateur, jusqu’à l’apparition progressive des ‘directeurs’, ces techniciens’ diplômés des écoles d’ingénieurs venus apporter leur savoir-faire d’organisation à des sociétés devenues plus importantes en taille et plus complexes.

Mais en prenant les commandes, ces directeurs ont également massivement remplacé les dirigeants familiaux, avec pour conséquence une prise de pouvoir quasi absolue  et l’éviction de la famille. Perdant toute prise sur l’entreprise, les familles actionnaires – généralement la deuxième génération – se sont alors trouvées dépourvues des moyens nécessaires pour continuer à influencer les décisions stratégiques. Or comme le montre l’analyse menée en 2000 par deux élèves des Mines, l’absence de contre-pouvoir est facteur de contre-performance. Ce sont en effet les sociétés cumulant pouvoir et contre-pouvoir qui surperforment très largement les autres catégories.

 

 

L’actionnaire familial de référence est la pièce maitresse d’un modèle dissociant actionnariat et management

Une gouvernance dissociant actionnariat et management est précisément une gouvernance à contre-pouvoir, potentiellement très vertueuse, à condition de bien fonctionner, ce qui ne va pas de soi. Pour les familles confiant la direction générale à un manager externe, il y a bien un double enjeu, qui se renforce encore dans le cas d’une gouvernance duale à directoire et conseil de surveillance qui sépare statutairement les pouvoirs exécutifs et de contrôle (1).

Un contre-pouvoir effectif étant une condition de performance, le contrôle stratégique exercé par l’actionnariat familial est un premier sujet. Il l’est d’autant que l’intensité de l’impulsion stratégique dans une firme familiale est bien supérieure à ce qu’elle est dans une firme purement managériale.

Les actionnaires vont ainsi devoir être (ou continuer d’être) en capacité de se forger une opinion sur la direction vers laquelle emmener l’entreprise à moyen et long terme, d’exprimer une ambition pour celle-ci et de se faire une opinion sur la pertinence de la stratégie proposée par le directeur général. Et, la stratégie étant interdépendante des valeurs et de la philosophie de conduite des affaires, il s’agira aussi d’être en situation d’insuffler ces valeurs familiales, souvent au cœur de la réussite de ces groupes familiaux, directement dans l’entreprise, C’est une exigence complexe pour des actionnaires non opérationnels et qui se trouvent ainsi privés de la proximité opérationnelle avec l’entreprise.

La difficulté est bien sûr moindre pour un fondateur ou un actionnaire également dirigeant opérationnel, le jour où il décide de nommer un manager externe pour se décharger des opérations. Il pourra alors tout naturellement continuer de s’appuyer sur sa connaissance acquise et sa crédibilité dans l’entreprise, ce qui n’est pas le cas de la nouvelle génération par exemple, si au moment du passage de relais générationnel, elle nomme un dirigeant externe plutôt que de succéder au fondateur dans son rôle de dirigeant opérationnel.

 

Le second enjeu concerne l’organisation de l’exercice de ce rôle vis-à-vis de l’entreprise et qui incombe à la famille actionnaire. Cette dernière le fera par la mise en place d’une gouvernance formelle et informelle destinée à régir les interfaces entre la famille actionnaire (avec le Board) et le management, et à permettre à l’actionnariat familial d’exercer son rôle, tout en préservant absolument l’entreprise et ses équipes d’éventuelles ‘perturbations’ potentiellement destructrices de valeur. Un sujet essentiel, notamment en présence de plusieurs associés familiaux s’intéressant à l’entreprise. Les actionnaires familiaux peuvent en effet être des dizaines dès la seconde génération ou lorsqu’il a plusieurs branches. Ils peuvent même compter plusieurs centaines dans le cas de sociétés multigénérationnelles comme Auchan ou Daher.

 

Pour ce rôle d’actionnaire, certaines familles ont opté pour un représentant unique des actionnaires vis-à-vis de l’entreprise et de ses parties prenantes, souvent appelé Actionnaire Familial de Référence (AFR). L’AFR est une personne physique à laquelle un mandat clair a été donné. L’AFR prend les décisions qui incombent aux actionnaires familiaux et fait office de référent du directeur général ; au contact régulier de l’entreprise, il véhicule les valeurs familiales. Le rôle d’AFR peut s’exercer indépendamment de tout mandat, même si, dans les faits, l’AFR est souvent président du conseil de surveillance (2). Cette responsabilité ne pouvant s’exercer à plusieurs, il ne peut y avoir qu’un seul AFR.

Le choix de l’AFR se fait souvent naturellement en faveur soit de celui qui joue déjà ce rôle et/ou qui est reconnu par la majorité comme le plus apte à exercer cette responsabilité qui exige d’être crédible et digne de confiance au sein de la communauté des actionnaires, notamment auprès des minoritaires soucieux de la préservation de leurs intérêts. Exercer efficacement ce rôle suppose par ailleurs d’être proche des affaires, d’avoir des compétences, de l’expérience et de la maturité.

Rares sont les situations où l’attribution de ce rôle fait l’objet d’un processus formel. Lorsque plusieurs membres familiaux candidatent, il faudra néanmoins accepter qu’un seul exerce le rôle, ce qui est aisé à négocier lorsqu’une des branches familiales a la majorité du capital familial, et potentiellement plus délicat dans tous les autres cas.

 

C’est à l’actionnaire familial de référence que revient également la lourde tâche d’appréhender ce que veut la famille pour l’entreprise

A lui de traduire ce que veut la famille en une vision et une ambition pour l’entreprise et de définir le cadre de référence pour le management : exigences de rentabilité, sensibilité aux risques, philosophie de haut de bilan et vis-à-vis de l’endettement ou de la croissance externe. C’est également lui, épaulé du conseil, qui évalue et approuve la stratégie et arbitre les décisions proposées par le directeur général avec lequel il interagit de manière continue.

Pour exercer son rôle, l’AFR, en plus de ses interactions avec le directeur général, se nourrit de contacts directs dans l’entreprise, une posture exigeante ne tolérant aucune ambiguïté sur son rôle et sur la confiance qu’il accorde au directeur général. L’AFR est régulièrement visible des salariés sans jamais être ingérant. Il crée les occasions de contact et d’écoute par sa présence aux conventions commerciales, séminaires stratégiques, réunions du personnel et autres comités. Il est présent en ‘auditeur libre’, non décisionnaire et non ingérant ; il écoute plus qu’il ne parle et lorsqu’il intervient, il porte un message d’actionnaire : communiquer directement aux équipes l’ambition de la famille pour l’entreprise, les incontournables, le cadre de référence à partir duquel le management déclinera sa feuille de route ; également, interpeller les équipes sur des sujets moyen terme et les inciter à s’élever de l’opérationnel, se projeter dans un horizon long et appréhender les ruptures avec audace. Il incarne et porte les valeurs, une condition nécessaire pour permettre au dirigeant externe à la famille de les endosser à son tour, les décliner opérationnellement et inciter ses équipes à adopter au quotidien les réflexes et comportements qui singularisent l’entreprise.

Il rencontre à fréquence régulière les femmes et hommes clés, non pas dans un rôle hiérarchique se substituant au directeur général, mais sur un terrain souvent plus personnel sur lequel un actionnaire familial, qui a aussi un rôle social, est légitime. Ces bilatérales créent entre l’actionnaire et les collaborateurs une relation unique basée sur la confiance qui crée ce supplément d’âme présent dans les groupes familiaux. L’AFR écoute pour capter ce qu’il est important de comprendre sur le registre professionnel ou plus personnel. Il encourage aussi, notamment à oser, et remercie de leur engagement.

Cette forme de présence permet une connaissance de l’entreprise à laquelle aucun autre décideur non exécutif ne peut prétendre. Elle donne accès à une information sans filtre, permet de capter les signaux faibles pour se forger une opinion personnelle sur des sujets aussi essentiels que le climat social, la dynamique de l’équipe dirigeante, le potentiel des hommes clés, leur adhésion aux valeurs du groupe. Il y a toutefois deux conditions : la non-ingérence et la non-utilisation des informations contre les collaborateurs ou le management. Chacun doit être certain de n’être jamais mis en risque.

Participer à la vie de l’entreprise est, pour un actionnaire, l’unique moyen de s’imprégner véritablement des sujets stratégiques et de transformation en cours, et de s’y impliquer très en amont et durant l’instruction. L’AFR peut ainsi apporter sa contribution, une orientation, une approbation en temps réel, durant l’instruction et en tous cas bien avant la prise de décision finale, alors qu’un président du conseil aura à approuver une décision très en aval, souvent sur la base d’un simple écrit envoyé la veille et complété d’une heure de présentation orale formelle, sans avoir connaissance des partis pris de la réflexion et des options écartées durant l’instruction.

Et, pour connaître les équipes, ce même président ne pouvant généralement avoir que des contacts limités avec ces dernières, et devra se contenter du défilé des collaborateurs venant se produire sur la scène du conseil pour une présentation parfaitement cadrée ne laissant que peu de place à la spontanéité et au débat. Dans le cas d’un actionnaire impliqué tout au long du processus, les décisions n’ont souvent plus besoin d’être prises mais simplement entérinées dès lors qu’elles seront devenues évidentes pour tous. La transparence épargne ainsi l’actionnaire des ‘surprises’ et favorise une prise de risque accrue, élargissant ainsi le champ des possibles pour l’entreprise et les équipes.

Cette co-construction impliquant l’actionnaire rend aussi possible la mise en synergie de deux visions, deux objectifs, deux horizons temps souvent traités de manière antagoniste : le temps long de la famille actionnaire qui a peu ou pas de pression des marchés et œuvre pour développer au long cours et transmettre en préservant l’autonomie ; le temps opérationnel du directeur général qui détient les leviers de la réalisation des engagements pris chaque année et de la mise en œuvre des projets majeurs en cours. Lorsque ces deux approches coexistent sans se neutraliser, un effet synergique se crée entre d’une part la prise de risque d’un entrepreneur nécessaire au franchissement des caps successifs indispensables pour la pérennité et de l’autre, le savoir-faire d’un dirigeant opérationnel sachant créer les conditions pour délivrer la performance et les réalisations qui confirmeront le cap stratégique.

Mais, cette gouvernance dissociant actionnariat et management ne délivrera toute sa valeur qu’à condition que le tandem AFR / Directeur général fonctionne correctement. C’est le troisième enjeu majeur des familles délégant la direction opérationnelle à un dirigeant externe.

 

Le tandem actionnaire familial / dirigeant externe, un équilibre fondé sur la confiance réciproque

Un tandem actionnaire familial / dirigeant externe est caractérisé par un équilibre de pouvoir aussi subtil qu’unique. Aucun tandem ne ressemble à un autre et le secret d’un bon fonctionnement repose sur l’acceptation mutuelle du rôle et des prérogatives de l’autre et la confiance réciproque, condition de la transparence. C’est un fonctionnement des plus exigeants pour toutes les parties prenantes impliquées.

Les actionnaires familiaux devront accepter ce qui sera souvent perçu comme un risque : céder une parcelle de leur pouvoir et laisser au manager externe une marge de manœuvre suffisante à l’expression de son talent de dirigeant opérationnel.

Accepter qu’un dirigeant externe puisse potentiellement être un meilleur patron opérationnel que l’un des membres de la famille dont ce n’est pas nécessairement le métier peut également s’avérer difficile, tout comme adopter la bonne posture face à l’entreprise et aux équipes. Si le directeur général externe n’a pas les moyens d’endosser son rôle et de s’imposer comme le patron opérationnel, il n’apportera pas toute la valeur ajoutée que les actionnaires sont en droit d’attendre de lui.

Cette gouvernance qui requiert une forte maturité peut s’avérer plus délicate à mettre en œuvre lorsque la nouvelle génération occupe des postes opérationnels. Il conviendra alors, selon les termes de Pierre Bellon, de ne pas confondre arbre généalogique et organigramme, ces membres familiaux ayant les mêmes droits et devoirs que n’importe quel collaborateur. Ils devront faire leur preuve sous l’autorité d’un responsable hiérarchique externe à la famille, au sein d’une organisation ayant son système décisionnel dont ils ne pourront s’affranchir. Ne pas traiter leurs sujets opérationnels en parallèle de l’organisation en place, court-circuitant ainsi le dirigeant et ses collaborateurs illustre bien la discipline exigée. Chaque fait et geste sera en effet scruté par le corps social, et la réputation des jeunes actionnaires tout comme leur capital confiance, indispensables à moyen terme, dépendront beaucoup de leur attitude et des résultats obtenus au moment où ils font leurs armes à des postes opérationnels dans l’entreprise.

Pour ce qui est du directeur général, il devra s’assurer que le tandem qu’il forme avec son actionnaire est robuste, et bien apprécier le partage des rôles et des territoires, qui est différent et unique dans chaque firme. A ses débuts, il aura à appréhender le plus rapidement possible la dimension informelle qu’il ne trouvera écrite dans aucun document et qui pourtant régit le fonctionnement effectif de la firme ; cet informel qui fait partie de l’inconscient collectif guide en effet le comportement de tous.

Ce dirigeant devra aussi savoir apprécier quelles décisions soumettre aux actionnaires, ces dernières ne se limitant pas aux décisions stratégiques. Elles peuvent concerner des questions très opérationnelles, qualifiables de détail et a priori inclus dans sa délégation dès lors que ces dernières impactent potentiellement l’image ou la réputation de l’entreprise ou de la famille et/ou appartiennent aux domaines réservés de l’actionnaire. Et, pour ce qui est des équipes, elles donneront le meilleur d’elles-mêmes derrière leur patron si et uniquement si elles ont la conviction que ce dernier a la confiance des actionnaires et qu’il a lui-même suffisamment bien appréhendé leurs attentes et leurs sujets d’attention pour être à l’abri d’une erreur de jugement.

Enfin, il est essentiel de préserver les équipes d’injonctions contradictoires pour ne pas les placer malgré elles en situation d’arbitrage entre leur patron et les actionnaires.

 

Nommer un manager externe, une option à examiner lors d’un passage de cap stratégique ou avant une succession générationnelle

La séparation actionnariat / management est un modèle peu adapté aux PME, aux petites ETI et aux sociétés récentes n’ayant pas encore franchi le premier palier de la courbe de croissance. Dans le cas d’une PME, manager l’entreprise en tant que propriétaire ou actionnaire majoritaire est une situation ‘naturelle’, et souvent l’unique option. Trouver un manager externe est en effet beaucoup plus difficile que pour un groupe doté d’une organisation structurée. La porosité forte des sphères famille et affaires peut également fragiliser la société en l’absence d’un propriétaire aux commandes opérationnelles. Pour les sociétés récentes au premier stade de leur croissance, le fondateur qui incarne le projet à l’origine de l’entreprise est souvent le seul à pouvoir mener cette étape marquée par d’inévitables ajustements du modèle d’affaires. Un ancrage opérationnel du décideur et un circuit de décision court sont alors essentiels.

A l’inverse, pour des firmes affichant une ambition de développement accéléré, déléguer la direction générale peut être pertinent dès lors que le premier stade de développement de l’entreprise est franchi. Or, comme réussir une croissance accélérée ne peut généralement s’envisager autrement qu’en introduisant des changements d’organisation et de pilotage, des compétences et expériences nouvelles dont l’entreprise ne dispose pas sont généralement requises. Les savoir faires et talents d’un entrepreneur visionnaire diffèrent souvent de ceux d’un architecte et ‘pilote’ de la transformation pourtant requis à ce stade. Et, si les descendants n’ont pas eu l’opportunité de faire leurs armes à l’extérieur de l’entreprise, ils ne sont pas toujours les mieux placés pour réussir seuls ce passage d’une PME vers une ETI. L’arrivée d’un dirigeant externe peut alors s’avérer être un atout précieux.Pour les ‘grosses’ ETI et les groupes, il peut y avoir des moments de la vie de l’entreprise lors desquels la mise en place d’un dirigeant opérationnel externe peut être une solution intéressante. Cela peut par exemple être le cas lorsque l’entreprise a atteint un degré d’internationalisation accrue ou lorsque l’âge du dirigeant fondateur le justifie. Certains fondateurs après avoir fortement développé leur groupe durant plusieurs décennies en tant que PDG aux commandes, nomment un directeur général auquel ils confient la gestion opérationnelle, tout en gardant le contrôle stratégique. C’est alors souvent un homme issu de l’interne, un collaborateur fidèle ayant gravi les échelons durant une longue carrière au sein du groupe, comme ce fut le cas par exemple chez Sodexo qui nomma Michel Landel après que le groupe ait atteint une taille et un degré d’internationalisation rendant la tâche lourde pour le PDG Pierre Bellon, alors âgé de 73 ans et encore seul à bord.

La préparation du passage de relais entre générations (dans un rôle d’actionnaire dirigeant opérationnel) peut également justifier (ou contraindre) de nommer un directeur général externe. Lorsque le fondateur se retire (entièrement ou en se limitant à un rôle non exécutif), déterminer qui est le mieux placé pour diriger opérationnellement l’entreprise est essentiel à sa pérennité, et selon l’âge et l’expérience acquise par la nouvelle génération, ce passage générationnel peut être prématuré. Lorsque le fondateur est aussi le dirigeant, la transmission à la nouvelle génération de la propriété du capital qui donne le statut d’actionnaire peut intervenir avant la succession managériale à la fonction et au mandat de directeur général. Réfléchir aux deux questions indépendamment l’une de l’autre offre une palette d’options bien plus larges. Dit autrement, transmettre les titres à la nouvelle génération sans toutefois placer celle-ci aux commandes, en maintenant la génération active à la direction opérationnelle ou en recrutant un directeur général non familial à titre temporaire fait partie des options à examiner.

La transmission et la succession font probablement partie pour un groupe familial des questions les plus délicates à traiter. Préparer une succession implique de prendre en compte deux facteurs. D’abord, l’adéquation de l’expérience et des compétences du ou des membres familiaux de la nouvelle génération susceptibles d’occuper la fonction de directeur général avec les besoins court et moyen terme de l’entreprise ; puis, le souhait ou non de diriger l’entreprise.

Ces questions se posent lorsque le dirigeant familial en place souhaite se retirer par choix ou contraint, ou encore en cas de disparition prématurée de ce dirigeant, comme ce fut le cas au sein de Virbac. Suite au décès prématuré du fondateur Monsieur Dick en 1992, Madame Dick, sa veuve, qui prend alors la présidence du conseil, nomme un Directeur Général externe à la famille, un homme de confiance, collaborateur de longue date, les descendants étant alors trop jeunes pour reprendre les commandes. Au départ en retraite de ce dirigeant opérationnel sept ans après, Madame Dick et ses enfants décident de maintenir la dissociation actionnariat / management et recrutent un directeur général à l’extérieur du groupe. Dix-sept ans plus tard, ce dirigeant est toujours en poste et opère en tandem avec Marie Hélène Dick, fille du fondateur et présidente du conseil de surveillance assumant le rôle d’AFR.

Précisons toutefois qu’entre une entreprise familiale et un directeur général recruté à l’extérieur, la greffe peut être délicate. La promotion interne est souvent moins aléatoire, ce qui place l’anticipation et la gestion stratégique des talents au cœur des enjeux d’un groupe familial.

 

Pour en savoir plus et approfondir, n’hésitez pas à me contacter : christine.greiner@csuites.fr
Tel : 06.03.61.19.09